Nous y voici pour l’épisode 2. Je te fais pas de résumé, hein… Tu as juste à aller lire l’épisode précédent pour comprendre. Je peux pas tout faire non plus, il faut te prendre en main.
Les billes de la mort
C’est ok pour la liberté ? La frivolité, maintenant… On dit aussi “gratuité”, mais avoue que “frivolité”, c’est quand même plus sympa comme mot. Car vois-tu, lecteur attentif, le jeu ne sert à rien, ne produit rien, n’a aucune conséquence sur la réalité, il est parfaitement inutile et improductif. C’est même en partie pour ça qu’il est un jeu.
Alors oui, je t’entends d’ici : “ha mais siii, ça apporte du plaisir, pis on apprend des truuucs, pis c’est utile pour le développement de l’enfant, c’est Piaget qui l’a diiiit…” Alors, d’abord, ne m’interromps pas au milieu de mon blogue, c’est hyper impoli. Bien. Maintenant, allons-y d’une petite mise en situation pour mieux comprendre.
Rare image de Piaget s’énervant en essayant d’ expliquer la psychologie de l’enfant à Caillois, à l’aide d’un schéma complexe. Accroupi, on distingue Huizinga qui ajoute des explications en néerlandais. Notez l’hilarité de Jacques Henriot et la stupéfaction de Gilles Brougère.
Les billes : version 1
Toi, moi et disons 4 de nos amies, on va jouer aux billes. C’est gentiment régressif et on peut imaginer qu’un soir désoeuvrées et un peu alcoolisées, on puisse s’amuser à ça. On se laisse toutes embarquer, on rigole bien. C’est moi qui gagne, je fanfaronne un peu. Mais si peu (parce que c’est tellement pas mon genre). C’était drôle. On a joué.
Les billes : version 2
Bref… Imaginons maintenant qu’on ajoute un p’tit enjeu. J’sais pas moi… Tiens… Celle qui perd paye des verres à toutes les autres. Après tout, c’est bon enfant. Imagine-toi dans cette situation. On est encore cool. Sauf Jeanne-Claude, parce qu’elle vient de changer les freins du char et elle avait pas prévu de nouvelles dépenses. Mais bon. Elle joue le jeu. Pourtant, ce serait vraiment bien qu’elle gagne. Elle est un peu inquiète. À ton avis, est-elle toujours en train de “jouer” ?
Les billes : version 3
Bien bien. Allons plus loin. Imaginons que je sois très riche. Je lance une partie et j’annonce que je donne (ou je garde) un million de dollars à celle qui gagne la partie. Tu t’y vois là ? Tu t’imagines jouer la partie ? Est-ce que tu “joues” toujours ? À quoi elle ressemble l’ambiance, maintenant ? (Et surtout, serai-je vraiment riche un jour ?)
Les billes : version 4 et grosse finale
Bien bien bien. On continue. Je sens que tu commences à comprendre. Je lance la partie de billes. Mais en plein milieu, j’annonce que celle qui perd ne reverra plus jamais sa famille. Quelqu’un les emmènera quelque part et elle ne les reverra plus jamais.
On est bien d’accord : le jeu en soi, n’a pas changé. Les règles sont les mêmes. Les joueuses sont les mêmes. Le matériel est le même. À l’intérieur du jeu, tout est exactement pareil. Mais tu sens bien que dans certaines configurations, tu “joues” moins, non ? Tout le monde fait le jeu mais plus personne n’est en jeu à ce moment-là. (Sauf la psychopathe qui l’a lancé, mais nous ne traitons pas de pathologie)
D’ailleurs, le cinéma, la littérature et la télé ne s’y sont pas trompé. De Battle Royale à Hunger Games, en passant par eXistenZ ou même Jumanji, jusqu’à SquidGame, Cube et des dizaines d’autres : on voit bien que c’est flippant quand le jeu n’est plus frivole.
Ha ! On voit bien qu’elle s’amuse là, Katniss ! La groooosse rigolade, hein !
Alors oui…J’ai poussé un peu le trait, hein. N’appelez pas la police.
Mais grâce à ces petits exercices de pensée, vous êtes en mesure de ressentir pourquoi si je prive le joueur de sa libre décision et de la frivolité du jeu, ce ne sera plus un jeu.C’est aussi pour ça, par ailleurs, que les jeux-concours primés sont discutables. On n’aime po bien ça chez nous… mais c’est toujours une source de discussions sans fin. Et à peu près aussi stériles que le jeu, d’ailleurs.
Bien. Le mois prochain, vous aurez le fin mot de l’histoire, les amis. Soyez sages.
